À l’aube des Lumières, il semblerait que le diable se soit retiré du monde. S’il l’a fait, ce n’est pas sans laisser de traces ! Maître du faux, il a légué aux hommes ses talents de séduction et de tromperie. Tandis que les sorciers deviennent faux, leur commerce de magies prospère. La police de Paris, telle qu’elle se met en place depuis la fin du XVIIe siècle, se lance à la poursuite d’hommes et de femmes qui – contre argent comptant – promettent aux Parisiens la fortune… Leur action repose sur le secret, à la fois pierre d’achoppement et catalyseur des mutations sociales, politiques et épistémologiques que connaît le XVIIIe siècle. Depuis l’édit royal de 1682, qui clôt l’affaire des poisons, magie et sorcellerie se trouvent réduites à un simple prétexte camouflant des desseins autrement plus redoutables ; un siècle plus tard, la législation révolutionnaire déclare le prétexte imaginaire, et qualifie ceux qui s’en servent d’escrocs. Réalité et imagination ne désignent plus la même chose et cette mutation affecte la légitimité même des croyances. En interrogeant un phénomène prétendument obsolète, ce livre éclaire autant les nouvelles pratiques policières dans le Paris du XVIIIe siècle que l’épaisseur des sociabilités urbaines ordinaires. Il invite surtout à réfléchir à la signification du croire dans une société en quête de nouvelles certitudes.

http://www.editions.ehess.fr/ouvrages/ouvrage/les-secrets-des-faux-sorciers/

Secrets-Krampl Les secrets des faux sorciers. Police, magie et escroquerie à Paris au XVIIIe siècle, Ulrike Krampl, Paris, éditions de l’EHESS, 2011.

 

Ce livre pionnier éclaire la place et le sens des viols en temps de guerre. Parce que les victimes étaient majoritairement des civils et des femmes, les viols furent longtemps relégués au second plan, à la marge du champ de bataille. Ils étaient pensés entre butin et repos du guerrier, sans effet sur le cours de la guerre, marquant l’assouvissement de la pulsion sexuelle masculine. Vingt auteurs se penchent ici sur les différents conflits du XXe siècle, des guerres mondiales aux guerres civiles, de la Colombie à la Tchétchénie. Pour la première fois, ils tracent l’histoire de cette violence, en soulignent la complexité et l’ampleur, présentent la diversité des situations, le poids des imaginaires, les conséquences sociales et politiques, mais aussi intimes et émotionnelles. Avec les contributions de Raphaëlle Branche, Isabelle Delpla, Anne Godfroid, John Horne, Adediran Daniel Ikuomola, Maud Joly, Pieter Lagrou, Nayanika Mookherjee, Regina Mülhaüser, Mariana G. Muravyeva, Norman M. Naimark, Tal Nitsan, Daniel Palmieri, Nadine Puechguirbal, Amandine Regamey, Antoine Rivière, Alexandre Soucaille, Katherine Stefatos, Natalia Suarez Bonilla, Fabrice Virgili.

http://www.payot-rivages.net/livre_Viols-en-temps-de-guerre-Fabrice-Virgili_ean13_9782228907033.html

Viols-Branche Viols en temps de guerre, sous la direction de Raphaëlle Branche et Fabrice Virgili,Paris, Payot, 2011.

 

 

Intarissable d’éloges sur les bienfaits d’une éducation des filles bien tempérée, la société raisonneuse des Lumières renâcle à passer aux actes. Paris au XVIIIe siècle est pourvu en écoles propres à satisfaire les aspirations des familles selon leurs moyens, mais ne brillant guère par leurs audaces. Déchiffrer l’abécédaire, apprendre son catéchisme, broder, dessiner, danser ou chanter, tout cela ne compose pour les jeunes filles qu’un piètre bagage, comparé à la culture reçue au collège par leurs frères. En se gardant bien de cultiver des femmes savantes, l’enseignement des filles les confine dans les destins traditionnels, domestiques et religieux assignés à leur sexe. Lieu d’acquisition de savoirs, l’école est aussi un lieu de vie et de travail, reflet des enjeux et des conflits de la vie religieuse, culturelle, économique et sociale du temps. Un bon observatoire pour déceler, archives à l’appui, quelques ombres aux Lumières.

http://www.editionsducerf.fr/html/fiche/fichelivre.asp?n_liv_cerf=1449

Education-Sonnet L’éducation des filles au temps des Lumières, Martine Sonnet, Paris, CNRS Ed/Ed. du Cerf, 2011.

 

Les meilleurs spécialistes de la période montrent que le genre comme méthode d’analyse donne un nouveau souffle à la réflexion historienne. Ils proposent une analyse inédite des sources classiques et une synthèse unique des travaux les plus récents sur la question essentielle du genre et de la sexualité.  Cet outil de travail exceptionnel est un voyage dans le monde gréco-romain à travers cinquante textes commentés en posant un regard différent sur les grandes figures de l’Antiquité gréco-romaine, et plus généralement sur les hommes et les femmes du temps.

http://www.armand-colin.com/livre/378102/hommes-et-femmes-dans-l-antiquite-grecque-et-romaine.php

 H_F_Antiquite Hommes et femmes dans l’Antiquité grecque et romaines; Le genre : méthode et documents, sous la direction de Sandra Boehringer et Violaine Sebillotte Cuchet, Paris, Armand Colin (coll. Cursus), 2011.

 

Peut-on évoquer la vie quotidienne des femmes dans la Grande Guerre alors qu’au fur et à mesure des recherches, apparaissent des figures et des « vies quotidiennes » si différentes selon les lieux de résidence, les actions et rôles de chacune, le poids de leur destin, de celui de leurs maris, compagnons ou fils ? Pour entrer dans la vie de ces femmes, dans leur coeur et appréhender les souffrances de leurs corps et de leurs esprits, les approches sont difficiles. Il existe en effet peu de correspondances ou de carnets, de souvenirs écrits ou oraux, il faut donc avoir recours le plus souvent à des études d’historiens, journaux d’époque, romans et films qui permettent de décrire la vie de ces femmes dans l’attente du retour du soldat. En raison de l’amour qu’elles portent à ce dernier, elles acceptent des rôles indispensables à une société en guerre, aussi bien infirmières qu’espionnes, et se lancent dans des métiers inconnus et pénibles. La reconnaissance ne sera pas au bout du chemin comme la Victoire et les discours pouvaient le leur laisser espérer

http://www.editions-belin.com/ewb_pages/f/fiche-article-les-femmes-dans-la-grande-guerre-17071.php?lst_ref=1

GrandeGuerre-Antier Les Femmes dans la Grande Guerre, Chantal Antier,Editions 14-18 Soteca, Collection Vivre dans la guerre, 2011.

 

Paris, 1911. Paul Grappe et Louise Landy s’aiment et se marient. Sur-vient la guerre. Paul déserte, se travestit en femme pour ne pas être arrêté et, pendant dix ans, aux yeux de tous, vit avec Louise sous l’identité de Suzanne Landgard. Il entraîne son épouse dans de multiples jeux sexuels et acquiert même une petite notoriété en étant l’une des premières « femmes » à sauter en parachute. En 1925, avec l’amnistie, Suzanne rede-vient Paul. Pour le couple, les choses commencent alors à se gâter… À partir d’archives étonnantes (photos, lettres, journaux intimes, documents judiciaires), Fabrice Virgili et Danièle Voldman racontent la très curieuse – et tragique – histoire de Paul et Louise, une histoire qui brasse les ques-tions des traumatismes de guerre, du travestissement, de l’homosexualité, des « troubles dans le genre », de la virilité, des violences conjugales et de la complexité des sentiments amoureux.

Fabrice Virgili, historien, chargé de recherche au CNRS, est l’auteur de plusieurs livres, dont La France « virile » : des femmes tondues à la Libération. Danièle Voldman, historienne, directrice de recherche au CNRS, est notamment l’auteure (avec Luc Capdevila) de Nos morts : les sociétés occidentales face aux tués de la guerre.

http://www.payot-rivages.net/livre_La-garconne-et-l-assassin–Fabrice-Virgili_ean13_9782228906500.html

Garconne_Assassin_couv La garçonne et l’assassin : Histoire de Louise et de Paul, déserteur travesti, dans le Paris des années folles, Fabrice Virgili et Danièle Voldman, Paris, Payot, 2011.

 

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Samedi 19 mars 2011

Lycée Jules Ferry, 77 boulevard de Clichy, 75009 Paris

 

Introduction: Joëlle Dusseau (IGEN) et Henriette Zoughebi (Vice-présidente chargée des lycées à la Région Ile-de-France)

 

Présentation: Irène Jami, Geneviève Dermenjian, Françoise Thébaud, Annie Rouquier

 

15h-16h: Points de vue et lectures critiques suivis d’échanges avec la salle.

 

Anne Rebeyrol (Chargée de mission à la parité à la Direction de l’Enseignement scolaire)

 

Patrick Garcia (historien, MCF à l’IUFM de Versailles)

 

Nicole Cadène (docteur en histoire, professeur certifié, chercheure associée à l’UMR Telemme)

 

 

16h30-17h30: Usages et réception dans les classes.

 

Nathalie Hérault (enseignante en histoire-géographie au lycée de Sarcelles)

 

Isabelle Cabat-Houssais (professeure des écoles, militante de Mix cité)

 

Compte rendu de Véronique Antomarchi, 17 janvier 2011.

Compte-rendu de l’ouvrage de Véronique Antomarchi, Professeur d’histoire-géographie au Lycée René Auffray (Clichy):

Geneviève Dermenjian, Irène Jami, Annie Rouquier, Françoise Thébaud (coord.), La place des femmes dans l’histoire – Une histoire mixte, Belin, 2010, 415 pages, 30 euros.

À l’usage des enseignants du primaire et du secondaire, ce manuel d’histoire, richement illustré, qualifié par les auteurs « d’ouvrage professionnel», présente une vision genrée de l’histoire. Il met l’accent sur les rapports entre les hommes et les femmes au fil du temps, dans des aires géographiques variées. Il répond ainsi à une directive récente du programme d’histoire de seconde (BOEN, 19 avril 2010) qui « place clairement au cœur des problématiques les femmes et les hommes qui constituent les sociétés et y agissent. Le libre choix laissé entre plusieurs études doit permettre en particulier de montrer la place des femmes dans l’histoire des sociétés ».

Le manuel repose sur une approche chronologique et se divise en cinq grandes parties :

« Femmes et hommes dans les mondes antiques et médiévaux », « Femmes et hommes dans les temps modernes et en révolutions », « Femmes et hommes à l’âge industriel (1850-1939) », « Femmes et hommes dans les guerres, les démocraties et les totalitarismes (1914-1945), « Femmes et hommes dans le monde de 1945 à nos jours ».

Chaque thème est illustré de dossiers qui éclairent un point particulier à l’aide de plusieurs documents. Une bibliographie étoffée en permet l’approfondissement.  Cet ouvrage s’inscrit dans une volonté d’aide à la pratique pédagogique des enseignants d’histoire qui trouveront là les outils pour réfléchir à l’intégration de la problématique du genre dans leurs cours, en s’appuyant sur des documents bien choisis, pouvant susciter le débat en classe. Il dresse de très nombreux portraits de femmes, parfois méconnus, qui peuvent s’intégrer aisément à la construction d’un cours. Un index des noms en fin d’ouvrage eût été pratique pour se repérer devant un tel foisonnement de personnalités.

Pour illustrer la place des sciences, nous pouvons citer parmi tant d’autres, Emilie du Chatelet (1706-1749), traductrice de Newton et Clémence Royer (1830-1902) traductrice de Darwin. La défense de l’égalité fut au cœur de l’engagement d’Olympe de Gouges (1748-1793), célèbre pour sa Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne en 1791 et de Mary Wollstonecraft (1759-1797), féministe anglaise dont la fille Mary Shelley publia en1818 Frankenstein considéré comme un des premiers romans de science-fiction.

La place des femmes est systématiquement analysée dans les différentes périodes de l’histoire, de la Grèce antique jusqu’au nouvel ordre mondial. Par exemple, le dossier consacré à là la guerre d’Algérie est éclairé par de nombreux témoignages féminins, souvent bouleversants. Religion, société, politique, droit, guerres, science, art mais aussi corps et sexualité, représentation et altérité, sont au cœur de cette histoire. L’enjeu essentiel de ce manuel est d’envisager une autre façon de transmettre et d’enseigner l’histoire. Il s’agit d’accompagner un changement de regard, incluant la dimension genrée de l’histoire et de contribuer ainsi à améliorer les relations entre filles et garçons dans une « cité mixte » pour reprendre l’expression de Michelle Perrot, une des pionnières de l’histoire des femmes en France, auteure de la Préface de l’ouvrage. Elle constate que si l’histoire des femmes est un champ de recherche désormais bien reconnu, 2 son enseignement reste encore marginal au sein de l’université et encore plus dans le secondaire. Cet ouvrage est le fruit d’un travail collectif de longue haleine : il a nécessité la participation de 33 auteurs (enseignants du secondaire, universitaires, chercheurs, inspecteurs pédagogiques régionaux) en majorité des femmes. Il émane de l’Association pour le développement de l’histoire des femmes et du genre (Mnémosyne) créée en 2000, qui a entre autres pour objectif d’assurer la transmission de l’histoire des femmes et du genre à tous les niveaux d’enseignement.

Un dossier sur ce thème avait déjà été publié dans la revue Historiens et Géographes(n°392, 393, 394, 2005-2006). La parution de ce manuel chez Belin en octobre 2010, avec l’aide financière du Conseil Régional d’Ile-de-France, s’inscrit dans cet objectif de transmission. Voilà un ouvrage important tant sur le plan quantitatif (plus de 400 pages) que sur le plan qualitatif (nombreux documents, bibliographie détaillée, pistes pédagogiques). Son objet est enthousiasmant : il s’agit de construire désormais nos cours en incluant les femmes dans une démarche humaniste et citoyenne L’outil est enfin là et fort bienvenu, en attendant que les manuels d’histoire mais aussi de géographie de demain intègrent systématiquement la problématique du genre. À nous d’être audacieux !

Véronique Antomarchi, Professeur d’histoire-géographie au Lycée René Auffray (Clichy).

 

Je ne sais pas si vous vous souvenez des cours d’Histoire, mais il n’y a pas beaucoup de jupons. À part quelques figures comme Jeanne d’Arc, Marie-Antoinette ou Eva Braun, qu’il s’agisse des rois, des militaires ou des révolutionnaires, quasiment que des mecs. Pour Françoise Thébaud, l’une des coordinatrices du livre, « le regard de l’historien est un regard masculin ». Tenez, un exemple : les manuels scolaires déclarent fièrement que la France est l’un des premiers pays d’Europe à avoir établi le suffrage universel en 1848. Alors qu’en fait il ne l’était que pour les hommes ! Le suffrage pour tout le monde, ça n’arrive qu’en 1944. Et là, ça change tout, car la France devient l’un des derniers pays à l’établir (En Angleterre, les femmes votent depuis 1928).