Journée d'étude 2020

Venez le 1er février 2020 à l’après-midi d’études autour du développement de l’histoire des femmes et du genre depuis 2000.

PROGRAMME

Samedi 1er février

de 14h à 18h

Université Paris II Panthéon-Assas 12 place du Panthéon, Paris 5 (Salle des Conseils – Aile Soufflot – Escalier M – 2e étage)

Accueil et introduction par Michelle Perrot

Table ronde 1. Quelle histoire des femmes et du genre depuis 20 ans ? Une réflexion historiographique

Modération : Françoise Thébaud (Université d’Avignon)

Intervenantes :

Violaine Sébillotte (Université Paris I Panthéon-Sorbonne) Didier Lett (Université Paris Diderot)
Sylvie Steinberg (EHESS)
Michelle Zancarini-Fournel (Université Lyon 1)

Table ronde 2. Quelle visibilité pour cette histoire dans les institutions ? Une réflexion stratégique

Présidence : Pascale Barthélémy (ENS-Lyon)

Intervenantes :

Florence Rochefort (CNRS)
Amandine Berton-Schmitt (Centre Hubertine Auclert)
Elise Brunel (Ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation) Marianne Thivend (Université Lyon-2)

Table ronde 3. Quelle diffusion, par quels canaux, pour quels publics ? Une réflexion médiatique

Modération : Fabrice Virgili (CNRS)

Intervenantes :

Cécile Beghin et Véronique Garrigues (Mnémosyne) Barbara Wolman (Matilda)
Joëlle Alazard (APHG)
Fanny Cohen-Moreau (Passion Médiévistes)

La journée d’études sera suivie d’un cocktail.

Entrée libre, dans la limite des places disponibles. Inscription obligatoire par mail à : contact@mnemosyne.asso.fr

programme-JE2020

 

Lucie Jardot, Sceller et gouverner Pratiques et représentations du pouvoir des comtesses de Flandre et de Hainaut (XIIIe-XVe siècle), Rennes, Presses universitaires de Rennes, collection Mnémosyne, 2020, ISBN: 978-2-7535-7900-2

Avec une préface d’Olivier Mattéoni.

Entre 1244 et 1503, Marguerite de Constantinople, Marguerite de Flandre, Jacqueline de Bavière ou encore Marie de Bourgogne ne sont pas seulement filles, épouses, et mères : elles sont avant tout des femmes régnantes. Outils de validation et de pouvoir, leurs sceaux permettent de définir les contours de leur champ politique et la singularité de leur statut. Par leurs spécificités iconographiques, héraldiques et emblématiques, les sceaux des princesses soulignent la place des femmes au sein de leurs lignées et comtés. Ce corpus sigillaire inédit, mis en regard avec les actes au bas desquels ils sont apposés (chartes, mandements, quittances), révèle les effets concrets de leur gouvernement.

disponible aux PUR


Louise Francezon, L’espionne de la Seconde Guerre mondiale. Pratiques et représentations d’une « masculinisation » de la femme, Rennes, Presses universitaires de Rennes, collection Mnémosyne, 2024, EAN : 9782753595538

 

1ère de couverture du prix Mnémosyne 2022 : Louise Francezon, L'espionne de la Seconde Guerre mondiale.

1ère de couverture du prix Mnémosyne 2022

Avec une préface d’Elissa Mailänder

Dans une volonté de « mettre le feu à l’Europe », les services secrets ouvrent leurs rangs aux femmes pendant la Seconde Guerre mondiale. Loin du modèle de l’espionne courtisane et séductrice, ces femmes suivent un entraînement martial rigoureux et effectuent des missions de surveillance dans un cadre clandestin. En s’engageant au plus près des affrontements, ces agentes déstabilisent les frontières du genre, suscitant tour à tour inquiétudes et fantasmes.

Ces femmes qui s’affranchissent des attendus de la fémininité constituent une occasion privilégiée d’observer les reconfigurations de genre dans les mondes militaires. Cet ouvrage s’attache à relire l’histoire des espionnes au prisme du masculin pour comprendre les interactions, les résistances ou les réassignations de genre qui se jouent dans leur quotidien et leurs représentations. En confrontant « égo-documents », sources administratives et productions culturelles, cet ouvrage s’intéresse donc aux pratiques et aux discours qui fabriquent une figure, celle de la virago, pour écrire une nouvelle histoire des masculinités féminines.

Louise Francezon a soutenu son mémoire de master 2 à Sciences-Po Paris en 2021, sous la direction d’Elissa Mailänder. L’ouvrage a remporté le prix de l’Association Mnémosyne pour le développement de l’histoire des femmes et du genre, décerné à l’occasion de l’assemblée générale en janvier 2023.

L’ouvrage est disponible aux Presses Universitaires de Rennes

La table des matières est accessible ici

Disponible en bibliothèques universitaires

Carte blanche aux 26e Rendez-vous de l’histoire de Blois

Le vendredi 6 octobre 2023, de 14h30 à 16h, dans l’Auditorium Hector Berlioz du Conservatoire de Musique de Blois, nous avons proposé une carte blanche intitulée « Le matrimoine: transmission et mémoire« , avec Bibia PAVARD e en modératrice, et Cécile BEGHIN, Elie HADDAD, Karine KARILA-COHEN, Catherine MARAND-FOUQUET en intervenant.e.s.

+ d’info sur le site des RVH : lien vers l’audio

Vous pouvez aussi revoir le mini-reportage que nous avions fait sur notre compte Instagram (story à la « une ») : Instagram

Reportée, cette journée d’étude organisée par l’Association Mnémosyne, et intitulée « Histoire d’avortements », s’est finalement tenue au Café Mona (à la Cité Audacieuse, 9 rue Vaugirard 75006 Paris) le 10 juin 2023.

 

Dans un premier temps, quatre intervenant·es retracent l’évolution de l’écriture de l’histoire de l’avortement, de l’Antiquité à nos jours.

Puis, dans un second temps, nous avons laissé à parole au Planning Familial pour évoquer les actions autour de la conquête du droit à disposer de son corps.

 

Journée d’étude filmée par Gabriel Dupuis.

 

 

 

Voici la playlist de la journée d’étude, réunissant les interventions de nos 5 invitées. cliquez sur la petite icône « 1/5 » en haut à droite de la miniature pour avoir accès aux autres vidéos de la playlist.

Clélia Lacam, Le Bleu et le Noir. Jeux de pouvoirs dans une mission catholique féminine (Gabon, 1911-1955), Rennes, Presses universitaires de Rennes, collection Mnémosyne, 2023, EAN : 9782753589810

4e de couverture du Prix Mnémosyne 2022 : Le Bleu et le Noir, Clélia Lacam

1ère de couverture du Prix Mnémosyne 2021

Avec une préface d’Anne Hugon.

Bleu et noir, telles sont les couleurs des costumes des religieuses au Gabon à l’époque de la domination française. Toutefois, ces deux teintes obéissent à un clair partage : aux Soeurs bleues missionnaires appartient la couleur mariale, quand les religieuses gabonaises se voient imposer voile et pèlerine ébène, signe manifeste de ségrégation coloniale. Entre 1911 et 1955, la mission féminine en terre gabonaise s’inscrit dans l’entrelacement des rapports de pouvoirs genrés et impérialistes. Si l’hégémonie masculine des prêtres spiritains pèse sur l’ensemble des religieuses, les Gabonaises se révèlent subordonnées de surcroît au maternalisme exigeant des Françaises. Explorer l’histoire enchâssée de ces religieuses africaines et européennes, c’est interroger les mécanismes de subalternité à l’oeuvre dans l’apostolat, mais aussi les tentatives de transgression. Quelles stratégies les Soeurs bleues ont-elles déployées et avec quel succès pour s’affranchir de l’autorité spiritaine ? N’ont-elles pas, ce faisant, ouvert le pas aux velléités d’insoumission de leurs « filles » gabonaises ? Confrontant archives missionnaires, « propagande » religieuse imprimée et corpus iconographique, croisant perspectives transnationales et microhistoire, cet ouvrage retrace la délicate quête d’émancipation de deux congrégations féminines au coeur de l’Afrique équatoriale.

Ouvrage disponible aux PUR

Chloé D’Arcy, Maria Taglioni, étoile du ballet romantique, Bordeaux, Presses universitaires de Bordeaux, 2023, ISBN : 979-10-300-0855-5

4e de couverture de l’ouvrage de Chloé D’Arcy, mention complémentaire du Prix Mnémosyne 2022.

Chloé D’Arcy a reçu une mention complémentaire au prix Mnémosyne 2022 et a, à ce titre, bénéficié d’une aide de la part de Mnémosyne pour publier son mémoire aux Presses Universitaires de Bordeaux. Voici le résultat : « Mlle Taglioni, ce n’était pas une danseuse, c’était la danse même ; elle ne courait pas le risque de l’oubli, mais du trop-plein de mémoire », constate avec admiration Théophile Gautier (La Presse, 3 juin 1844). Marie Taglioni (1804-1884) était en eff et une véritable star. Son nom est associé à un rôle, La Sylphide (1832), à l’avènement de la technique des pointes, et à l’ère du ballet romantique. Cette étude retrace son parcours européen en analysant les mythes qui s’élaborent autour de sa personne, de l’enfant prodige au modèle indépassable. Elle s’intéresse aussi à Marie Taglioni « à la ville » et à son statut de femme mondaine, aux représentations iconographiques et littéraires qui circulent à son sujet, ainsi qu’au public – même aux fans – qui contribuent à en faire une célébrité. Enfin, cette recherche se penche sur la dimension pratique d’une telle carrière et sur les différents acteurs qui y contribuent : derrière la gracieuse Sylphide se cache une véritable femme d’affaires qui suit scrupuleusement ses représentations, négocie des contrats avantageux et qui sait mobiliser le réseau nécessaire à son succès. Cet ouvrage est un apport original pour l’histoire de la danse et des femmes artistes en ce qu’il met en évidence la pluralité des visages de la ballerine, tant sur scène que hors scène. disponible aux PUB

En février 2021 est paru, aux éditions GallimardHubertine Auclert. Journal d’une suffragiste, édité par Nicole Cadène.

« Adolescente, Hubertine Auclert (1848-1914) avait envisagé de prendre le voile, mais les religieuses n’avaient pas voulu d’elle. Elle se tourne alors vers un autre sacerdoce, la cause des femmes. Il y a fort à faire, comme elle le confie à son journal : exclues de la citoyenneté, privées de leurs droits civils, interdites de présence dans l’espace public, soumises à un moralisme étroit, les femmes de la fin du XIXe siècle sont en outre, pour les plus vulnérables d’entre elles, souvent exposées à la prostitution.
Pourquoi les hommes changeraient-ils les règles d’un jeu qui leur est si favorable ? Hubertine Auclert estime que le combat doit commencer par le vote, et non par la conquête des droits civils et de l’égalité salariale qui en découleront, contrairement à ce que pensent la plupart des féministes de l’époque.

Engagée dans des recherches sur les féminismes de la seconde moitié du XIXe siècle, Nicole Cadène a retrouvé, à la Bibliothèque historique de la Ville de Paris, le journal longtemps disparu d’Hubertine Auclert, militante à la volonté inflexible. Elle nous en livre ici une édition critique qui présente son autrice, la situe dans le mouvement féministe et ravive la mémoire de celle qui fut la plus éminente suffragiste française. »

Pour plus d’information, veuillez suivre ce lien : Nicole Cadène, Hubertine Auclert. Journal d’une suffragiste, Paris, Gallimard, 2021.

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QUELLE PLACE POUR LES FEMMES DANS L’HISTOIRE ENSEIGNÉE ? LES ACTIONS DE L’ASSOCIATION MNÉMOSYNE,

par Véronique Garrigues [1] et Julie Pilorget. [2].

Cet article fait partie du sommaire du dossier « Histoire mixte », publié dans le n°452 de la revue Historiens & Géographes, novembre-décembre 2020.

La politique éducative de promotion de l’égalité entre les filles et les garçons s’appuie, depuis le début des années 2000, sur des conventions interministérielles successives, la dernière a été signée le 28 novembre 2019 par le ministre de l’Éducation nationale et de la jeunesse et la secrétaire d’état en charge de l’Égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations. Cette convention a pour objectif de modifier la division sexuée des rôles dans la société. On est en droit alors de s’interroger sur le silence des programmes quant à la place des femmes dans l’histoire enseignée. Constatant cet écart entre les incitations politiques et des programmes androcentrés, Mnémosyne multiplie les projets et les supports afin de poser les jalons d’une histoire mixte. Après la présentation des différentes activités de l’association, nous proposons ici de revenir plus spécifiquement sur la place des femmes scientifiques dans les programmes d’histoire.

Mnemosyne : une association engagée et dynamique

L’association Mnemosyne pour le développement de l’histoire des femmes et du genre a fêté cette année ses vingt ans. Fondée en 2000 à l’initiative de la revue Clio, il s’agit d’une association professionnelle d’historiennes et historiens qui s’intéresse à l’histoire des femmes et du genre, depuis la Préhistoire jusqu’à nos jours. Les premières présidentes furent Françoise Thébaud puis Pascale Barthélémy, actuellement Julie Verlaine est à la tête de l’association. Société savante, ses nombreuses activités entendent promouvoir la dimension européenne, francophone et internationale de l’histoire des femmes et du genre ; à ce titre, elle est membre de l’International Federation for Research in Women’s History (IFRWH). Mnémosyne soutient l’inscription institutionnelle de ce domaine de recherche et sa transmission à tous les niveaux de l’enseignement. En conséquence, l’association organise et participe à de nombreux évènements tout au long de l’année.

Au début de chaque année, à la suite de l’assemblée générale, se tient une journée d’études autour d’une thématique analysée à l’aulne du genre par des historien.ne.s français.e.s ou exerçant à l’étranger, en partenariat avec des institutions culturelles, des laboratoires, ou des revues historiques. Ainsi depuis 2001, ont été abordées les études de genre avec des collègues anglais.e.s, italien.ne.s., espagnol.e.s ou allemand.e.s ; des débats ont porté sur les médias, l’art, les sciences, les migrations, l’éducation, les musées, les archives ou les images. Les interventions font l’objet depuis quelques de années de captation vidéo sur le site internet de l’association pour assurer une plus large diffusion.

Afin de favoriser et soutenir la recherche, depuis 2003, le Prix Mnémosyne récompense un master sur l’histoire des femmes et du genre, publié aux Presses universitaires de Rennes. Après une expertise réalisée par des spécialistes et une délibération du jury, celui-ci décerne un prix, et le ou la lauréat.e est accompagnée pendant tout le processus de l’édition jusqu’à sa parution. Au cours de ces années, 380 mémoires ont concouru. Le genre du Prix penche vers le féminin avec 14 lauréates et 3 lauréats. L’histoire contemporaine est la période qui recueille le plus de prix, mais en la découpant en tranches, un certain lissage apparaît avec les autres périodes (4 en médiévale, 5 en moderne, 3 pour le XIXe siècle et 4 pour le XXe siècle). Seul un mémoire en histoire grecque a été primé, reflet de la faible proportion de mémoires reçus pour la période antique. Le prochain prix, décerné à Maria Goupil-Travert, a pour thème les femmes militaires dans les armées révolutionnaires (1791-1851).

Depuis 2007, Mnémosyne a créé une revue électronique semestrielle Genre & Histoire, en libre accès, qui publie après expertise, des dossiers ou des varia portant sur les études de genre en histoire mais en s’ouvrant également aux autres sciences sociales.

L’association a établi au fil des années des partenariats (Louie MédiaMatildal’APHG) pour vulgariser auprès de différents publics l’histoire des femmes et du genre ou aborder l’égalité filles-garçons, en variant les supports (vidéos, concours contre le sexisme, podcast).

L’association a pris l’initiative de réaliser un manuel La place des femmes dans l’histoire [3], rendant compte de toute la complexité des relations entre les femmes et les hommes dans l’Histoire, en interrogeant la place du masculin et du féminin. Publié en 2010, il a été conçu comme une réponse scientifique et pédagogique à la faible place occupée par les femmes dans l’enseignement de l’histoire. Sa conception est un travail de longue haleine qui fait écho au rapport d’Annette Wieviorka en 2004, qui voyait dans l’absence de représentation féminine dans les textes officiels « un frein dans la marche vers l’égalité » [4]. Finalement, le manuel est contemporain de l’introduction de cette problématique dans les programmes du secondaire. Destiné à la « fabrique scolaire » [5], il propose d’éviter l’écueil d’une féminisation des cours d’histoire en y insérant seulement de temps à autres des grandes figures féminines, même si l’approche biographique ne peut être totalement évacuer. Il s’agit bien de mettre en place une histoire mixte, en réévaluant le rôle des actrices et des acteurs dans la sphère civique et publique, en n’occultant ni les inégalités de race ni de classes, qui peuvent se superposer à celles du genre. Les 36 chapitres permettent également de s’interroger sur les césures chronologiques classiques et leurs impasses, notamment lorsqu’il est question de l’histoire des femmes. Outil de mise en ordre, les frises chronologiques participent également à l’invisibilisation des femmes et doivent à ce titre être aussi questionnées [6].

Pour compléter le manuel, Mnémosyne a soutenu en 2017 la publication de L’Europe des femmes, XVIIIe-XXIe siècle [7]. C’est un recueil de textes (fictions, chansons, discours, correspondances – dans leur langue originale et avec leur traduction française) mais aussi de documents iconographiques qui se font l’écho de trois siècles d’histoire européenne et des aspirations, ou des obstacles, à une égalité entre les sexes. Ces documents devenus des classiques, et d’autres moins connus, interrogent l’éducation des filles, l’influence des religions, le rapport au corps, l’expérience de guerre, les féminismes et les luttes menées au nom de l’égalité civile et politique, ou encore la reconnaissance conquise dans les arts et les sciences.

Aujourd’hui, avec les nouveaux programmes de collège et de lycée, on constate un nouveau recul de la présence des femmes dans l’histoire enseignée, et les enseignements de spécialité font avant tout la promotion d’un « roman national » tourné vers les faits militaires et les événements politiques, aux dépens de l’histoire sociale. Malgré ce contexte peu propice à l’histoire mixte, Mnémosyne propose un atelier pédagogique lors des Rendez-vous de l’histoire à Blois. En 2017, en suivant le thème « Eurêka », des pistes d’exploitation pédagogique ont été proposées sur les femmes et les sciences ; elles ont été ici en partie réactualisées avec le renouvellement des programmes en lycée.Enseigner la place des femmes dans l’histoire des sciences

Alors que l’Observatoire des inégalités rappelle dans sa dernière enquête en 2018 que les filles demeurent sous-représentées dans les formations scientifiques et technologiques en raison des stéréotypes attribués à ces filières, on peut constater que les programmes d’histoire participent à cet imaginaire collectif où la figure du scientifique demeure associée à des attributs masculins. En effet, il n’y a aucune mention explicite de femmes scientifiques dans les programmes du collège. Au lycée, elles « peuvent être mises en avant » dans deux chapitres, en Seconde et en Première, avec deux figures placées en exergue, Madame du Châtelet et Marie Curie, mentionnées dans les points de passage obligé [8]. L’enseignement de spécialité en Terminale amène à revenir sur la notion de communauté savante et la « recherche et échanges des hommes et des femmes de science sur la question de la radioactivité de 1896 aux années 1950 ».

En collège, l’invisibilisation des femmes par le terme épicène « scientifique » autorise donc à prendre en compte le rôle des femmes dans le monde savant dans de nombreux chapitres. L’étude d’un monastère féminin est l’occasion de rappeler qu’il aussi un lieu du savoir féminin (plus que l’Université) dans l’Occident médiéval. Les bouleversements techniques à la Renaissance ont pu être le fait de femmes vivant dans l’entourage familial de scientifiques comme auxiliaire ou aide domestique (Sophie Brahé, Maria Cunitz). La participation de Madame du Châtelet au développement de l’esprit scientifique dans l’Europe des Lumières est encore trop souvent perçu comme une anomalie ou elle apparaît comme une figure d’exception. Marie-Anne Lavoisier est elle aussi trop souvent reléguée au rôle d’épouse, alors qu’elle a collaboré aux travaux de chimie de son mari. Tout en multipliant les figures de femmes scientifiques dans l’histoire enseignée, il faut interroger les préjugés et résistances d’une époque (accès au savoir, misogynie, publication ou non des dé-couvertes faites par des femmes), et éviter l’effet Matilda [9] pour déconstruire les préjugés. Un test de représentation auprès des élèves peut être parfois utile pour revenir sur des stéréotypes, comme la différence de poids entre cerveaux féminin et masculin, le nombre de femmes scientifiques ayant reçu le Prix Nobel, ou depuis quand les femmes font-elles des sciences [10]. En lien avec le cours de Physique-Chimie en 3e, sur la description de la matière dans l’Univers, la conquête spatiale comme enjeu de la Guerre Froide peut donner lieu à une étude genrée. Valentina Tereshkova, première femme à faire un vol dans l’espace en 1963, devient une icône de l’idéal soviétique en Europe, à l’égal de Iouri Gagarine. En retraçant leur parcours, les élèves peuvent autant s’interroger sur la place des hommes et des femmes dans la course aux étoiles que sur la propagande [11].

Pour aborder l’égalité fille/garçon en EMC, les préjugés sur les femmes scientifiques peuvent être étudiés à partir d’un texte de Kant sur l’infériorité naturelle des femmes à l’époque des Lumières, en analysant les réactions masculines à la candidature de Marie Curie à l’Académie des sciences en 1911, ou celles de femmes alors que Valentina Terechkova est en train de passer trois jours en orbite autour de la Terre en 1963.

  • Emmanuel Kant (1724-1804), « De la différence du sublime et du beau dans le rapport des sexes », Observations sur le sentiment du beau et du sublime (1764) : « Le caractère naturel de ce sexe possède encore des traits qui lui sont propres, qui le différencient du notre et se font principalement connaître par le signe de la beauté. […] Une femme a un sentiment fort et inné de ce qui est beau, gracieux et orné. Dans l’enfance déjà, les femmes aiment les toilettes, et elles se plaisent elles-mêmes à se parer. Elles sont propres et très sensibles à ce qui peut provoquer du dégoût. Elles aiment la plaisanterie, et on peut les entretenir de bagatelles, pourvu qu’elles soient gaies et rieuses. […] Le beau sexe a autant d’entendement que le masculin, seulement, c’est un bel entendement, et le nôtre doit être un entendement profond, ce qui a la même signification qu’un entendement sublime. […] Une réflexion profonde et une méditation continue et prolongée sont nobles mais difficiles et ne conviennent pas bien à une personne en laquelle les libres attraits ne doivent montrer rien d’autre qu’une belle nature. […] Une femme qui a la tête remplie de grec, comme Mme Darcier, ou qui discute à fond le mécanisme, comme la marquise du Châtelet, pourrait aussi porter une barbe ; car celle-ci exprimerait plus visiblement encore l’air de profondeur qu’elles recherchent. […] En conséquence, la femme n’apprendra pas la géométrie. […] Elles ne vont pas se remplir la tête, en histoire de combats, en géographie de fortifications, car il leur convient aussi peu de sentir la poudre à canon qu’aux hommes de sentir le musc ».
  • La une de l’Excelsior du 9 janvier 1911 est consultable sur le site de l’histoire par l’image.
  • Un micro-trottoir, réalisé alors que la cosmonaute est encore dans l’espace, montre différentes réactions de téléspectatrices et téléspectateurs, il est en ligne sur le site de l’INA.

Au lycée, le chapitre des Lumières sur le développement des sciences incite à interroger la place des femmes dans ce mouvement, en revenant sur le parcours d’Émilie du Châtelet. On peut montrer son rôle dans la diffusion des idées des Lumières, autant par la publication de ses découvertes que par ses traductions de Newton et Leibniz. Il est aussi possible de questionner plus généralement la formation des femmes et leurs conditions d’accès à la connaissance scientifique, les modalités d’exercice de la science et leur participation à l’essor scientifique au XVIIIe siècle. Parmi les savants des Lumières, environ 200 sont des femmes. Dans le seul domaine de l’astronomie en Allemagne, 14 % des astronomes sont des femmes entre 1650 et 1710. Les critiques contre ces « femmes savantes » moquées par Molière sont nombreuses, et des penseurs comme Helvétius ou Condorcet qui encouragent l’éducation des filles sont peu nombreux. Dans les milieux aristocratiques ou bourgeois, des filles doivent à la présence d’un frère, à l’attention d’un père ou d’un époux de recevoir une formation scientifique. C’est le cas pour Maria Agnesi dont le père est mathématicien [12], pour Maria Winckelmann dont le mari est astronome, pour Caroline Herschel, qui a travaillé avec son frère astronome, ou pour Nicole Lepaute, épouse d’un horloger du roi. Certaines femmes sont aussi autodidactes, comme Sophie Germain, et puisent dans les bibliothèques familiales (Madame Roland). La recherche scientifique n’est pas institutionnalisée, des laboratoires s’organisent dans les résidences privées des scientifiques, homme ou femme : Émilie du Châtelet installe son laboratoire au château de Cirey. Les couples travaillent ensemble, et vivent entourés de leurs collaborateurs, comme Philibert Commerson et Jeanne Baret, couple de naturalistes. Les femmes calculent, dessinent, traduisent, publient. Pourtant leur contribution à la diffusion des sciences est minorée car leurs travaux sont publiés anonymement ou elles ne sont désignées que comme de simples assistantes. Ainsi, en 1702, Gottfried Kirch, astronome du Roi à Berlin, s’approprie la découverte de sa femme Maria Winckelmann (1670-1720) et il donne son nom à la comète qu’elle a découverte. Les préjugés sexistes et l’absence d’un accès à l’instruction excluent donc la majorité des femmes du monde des sciences. Deux siècles plus tard, la réussite de Marie Curie peut servir de modèle aux étudiantes, alors que son parcours demeure exceptionnel dans le monde scientifique, même pour ses homologues masculins.

En Première, pour insérer le PPO sur Marie Curie dans la Grande guerre [13], il est envisageable de montrer comment les technologies ont pu autant briser les corps que les soigner, en y analysant la place des femmes. Le site de la Mission Centenaire fournit des documents en ligne sur Marie Curie et les usages de la radiologie au front. Les sites de nombreuses archives départementales mettent en ligne des documents montrant les soins médicaux apportés par les femmes aux soldats blessés, comme le dossier pédagogique proposé par le service éducatif des archives du Pas-de-Calais. Les débuts de la chirurgie réparatrice au services des gueules cassées est aussi l’occasion de présenter le rôle des femmes dans ce domaine : Suzanne Noël (1878-1954), docteur en médecine et pionnière en chirurgie esthétique, et Anna Coleman (1878-1939), sculptrice américaine a créé un atelier de prothèses faciales [14].

Dans les manuels scolaires, le chapitre sur la « recherche et échanges des hommes et des femmes de science sur la question de la radioactivité de 1896 aux années 1950 » met surtout en avant les époux Curie et Joliot-Curie. C’est aussi l’occasion d’expliquer ce qu’est l’effet Matilda, à partir de l’exemple d’une collaboration scientifique. Pendant les années 1930, le chimiste allemand Otto Hahn et la chimiste autrichienne Lise Meitner travaillent sur le « projet Uranium ». Malgré la guerre et leur éloignement (juive, Meitner a fui l’Allemagne nazie), ils continuent d’échanger sur l’avancement de leurs travaux. En 1945, Hahn obtient le prix Nobel de chimie et devient le « père fondateur de la chimie nucléaire ». La participation de Lise Meitner n’est pas reconnue, alors que ses travaux sont aujourd’hui considérés comme pionniers sur la structure du noyau atomique et la fission de l’uranium. L’éloignement temporaire de Lise Meitner de la communauté scientifique, les compétences insuffisantes du comité de chimistes (incapables de comprendre sa contribution théorique) et la misogynie de Manne Siegbahn, directeur de l’Institut Noble de physique ont favorisé l’effacement du rôle de cette femme scientifique sur la question de la radioactivité. Il en est de même avec les femmes qui ont participé au projet Manhattan, où seules des figures masculines sont retenues, alors que la carrière de Lilli Hornig est connue ainsi que le travail des opératrices pour surveiller les unités de la centrale électromagnétique Y-12.

Les difficultés rencontrées par les femmes dans le monde scientifique face aux réticences masculines et aux préjugés se retrouvent également dans le monde des armes, des arts, ou du travail. Elles peuvent parfois prétendre à l’exceptionnalité, rarement à la normalité. L’histoire mixte aide certes à les sortir de l’ombre, mais aussi à comprendre les mécanismes d’effacement mémoriel en proposant des documents permettant une relecture de leur participation à l’Histoire. Sans s’affranchir des programmes, il est essentiel de mettre en œuvre une histoire mixte dans nos classes, car comme le rappelle la sociologue Margaret Marouani, « il n’y a pas de pente naturelle vers l’égalité » [15].

© Historiens & Géographes n°452, novembre 2020 – janvier 2021- Tous droits réservés. Mise en ligne : 27 janvier 2021.

Notes

[1] Agrégée d’histoire et de géographie, docteure en histoire moderne (université de Limoges). Chercheure associée UMR FRAMESPA. Mnémosyne.
[2] Agrégée d’histoire, docteure en histoire médiévale (Université de Paris-Sorbonne), Chercheure associée Centre Roland Mousnier – UMR 8596. Mnémosyne.
[3] Geneviève Dermenjian, Irène Jami, Annie Rouquier & Françoise Thébaud (coord.), La place des femmes dans l’histoire. Une histoire mixte, Paris, Belin, 2010.
[4] Annette Wieviorka, « Quelle place pour les femmes dans l’histoire enseignée ? », Rapport du conseil économique et social, 2004.
[5] Laurence de Cock, Emmanuelle Picard (dir.), La fabrique scolaire de l’histoire. Illusions et désillusions du roman national, Marseille, Éditions Agone, coll. « Passé & présent », 2009.
[6] Julie Pilorget, « La fin du Moyen Âge, un moment charnière pour l’histoire des femmes ? Les embarras de la périodisation », Questes, 33, 2016, p. 95-107. Le premier chapitre d’Histoire de Seconde sur la périodisation de l’histoire est une entrée possible autour de ce questionnement.
[7] Julie Le Gac, Fabrice Virgili (coord.), L’Europe des Femmes, XVIIIe-XXIe, Recueil pour une histoire du genre en V.O., Perrin, 2017.
[8] En Seconde, dans le chapitre 1 du thème 4 « Les Lumières et le développement des sciences », un des objectifs est de montrer le rôle de femmes dans la vie scientifique et culturelle. En Première, dans le chapitre 2 du thème 4 « Les sociétés en guerre : des civils acteurs et victimes de la guerre », la place des femmes mobilisées en temps de guerre peut être évoquée.
[9] Déni ou la minimisation systématique de la contribution des femmes scientifiques à la recherche, dont le travail est souvent attribué à leurs collègues masculins. Margaret W. Rossiter, « L’effet Matthieu Mathilda en sciences », Les cahiers du CEDREF, 11, 2003, p. 21-39.
[10] Jacky Fleming, Le problème avec les femmes, Dargaud, 2016. Gérard Chazal, Les femmes et la science, Ellipses, 2006 (édition poche 2015).
[11] « La première femme dans l’espace, URSS-Bulgarie, 1963-1966 », L’Europe des femmes, p. 334-337.
[12] « Une mathématicienne reconnue par ses pairs », L’Europe des femmes, p. 314-317.
[13] Sur son engagement pendant la Grande Guerre : Michel PINAULT, « Marie Curie, une intellectuelle engagée ? », Clio. Histoire‚ femmes et sociétés En ligne, 24 | 2006, 24 | 2006, 211-229
[14] Deux romans graphiques retracent leur parcours. Sybille Titeux de la Croix, L’atelier des gueules cassées, Marabulles, 2018. Leila Slimani et Clément Oubric, À mains nues, Les Arènes BD, 2020.
[15] Article dans L’Humanité le 8 mars 2000.

Le n°452 d’Historiens&Géographes contenant le dossier sur l’histoire mixte est paru.
Les auteures ont décidé, avec Marc Charbonnier, de mettre en accès libre l’article Quelle place pour les femmes dans l’histoire enseignée ? Les actions de Mnémosyne

Vous pouvez trouver dans le lien ci-après le sommaire du dossier : https://www.aphg.fr/Sommaire-du-dossier-Une-histoire-mixte

4e de couverture - Prixmnemosyne2019

Maria Goupil-Travert, Braves combattantes, humbles héroïnes. Trajectoires et mémoires des engagées volontaires de la Révolution et de l’Empire, Rennes, Presses universitaires de Rennes, collection Mnémosyne, 2021, ISBN: 978-2-7535-8173-9

Avec une préface de Sylvie Steinberg. 4e de couverture - Prixmnemosyne2019

Pourquoi des femmes s’engagent-elles dans les armées sous la Révolution et l’Empire ? Quelles sont les spécificités de leur expérience féminine du monde militaire et qu’en disent-elles lors de leur retour à la vie civile ? Confrontant les sources militaires, l’iconographie révolutionnaire, les écrits personnels, les articles parus dans la presse, Maria Goupil-Travert examine une cinquantaine d’itinéraires biographiques de femmes aux armées. Elle questionne la nature de leur engagement, leur rapport au monde militaire et à la violence, ainsi que leur capacité d’action individuelle pour contourner les contraintes liées au genre.  

disponible aux PUR