Episode

Violences sexuelles en temps de guerre

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Cet épisode aborde des thématiques sensibles. Certains témoignages et descriptions peuvent être bouleversants. Nous vous invitons à ne pas écouter cet épisode si vous n’êtes pas à l’aise avec le sujet, ou à vous assurer d’être dans de bonnes conditions pour lancer l’épisode. Si vous vous sentez en détresse, n’hésitez pas à faire une pause ou à demander du soutien auprès de professionnels ou de personnes de confiance. Prenez soin de vous.



Nous vous avions promis lors de notre épisode sur « le genre de la guerre », un épisode centré sur les violences subies par les femmes en temps de guerre. En effet, il nous avait semblé nécessaire de consacrer du temps à cette thématique, d’abord parce qu’il s’agit d’un champ de recherche en plein développement, né des luttes féministes et de leur attention à la vulnérabilité des corps féminins dans les sociétés patriarcales, qui accompagne le développement des champs de recherche sur le corps, les sexualités, les émotions, et qui permet une véritable relecture genrée des conflits de toutes les époques; mais aussi parce que les historien.nes,les anthropologues, les chercheurs et chercheuses en sciences politiques, réfléchissent pour comprendre de quoi ces violences genrées sont le nom.

Ainsi dans son introduction du recueil d’articles « le corps en lambeaux » paru en 2016, l’anthropologue Véronique Nahoum-Grappe, spécialiste des violences extrêmes en temps de guerre, évoque la dimension politique du thème des violences sexuelles et sexuées contre les femmes, victimes « du double stigmate culturel qui pose leur infériorité dans tous les domaines et qui enferme leur identité dans le champ de la sexualité […] Cela fait d’elles les victimes plausibles de la violence des dominants sur leurs corps ».

Effectivement, si le corps des femmes est l’objet d’une violence sexuée et sexuelle quotidienne, dans l’espace intime comme dans l’espace publique, la guerre apparaît comme un évènement dramatique qui décuple le danger. Quelles formes a pu prendre cette violence de guerre dans les conflits du passé et dans les guerres du XXème siècle ? Quelles traces nos sources en gardent-elles ? Quelles justifications ont pu être données par les militaires, leurs supérieurs ou les commentateurs de ces conflits, aux violences exercées contre le corps des femmes civiles ? Ces violences sont-elles envisagées dans les premières versions d’un droit de la guerre ? En quoi le viol utilisé contre les femmes en temps de guerre peut-il prendre une signification plus politique que  celui du défoulement des soldats ? Enfin les violences de guerre sont toujours une réalité dans de très nombreux conflits contemporains, sans que le droit international ne parvienne à y mettre fin. Quel rôle peut jouer le droit international dans les situations de violence actuelles ? Donner une profondeur historique à ce phénomène, comme nous allons le faire ensemble aujourd’hui, peut-il nous aider à mieux le comprendre et lutter pour l’éradiquer ?

Parler de violences sexuelles en contexte de guerre, c’est à la fois évoquer une violence genrée, infligée par les hommes, subie par les femmes; c’est aussi questionner les dispositifs de cette violence, ses motivations, les stratégies qu’elle implique, ses conséquences sur les populations qui en sont victimes ; c’est enfin envisager les possibilités de la dénoncer, de la juger et d’y mettre fin.

Pour évoquer ce sujet nous accueillons deux historiens. Tout d’abord, Jean-Baptiste Bonnard est un historien antiquiste, enseignant chercheur à ll’Université de Caen Normandie, chercheur dans les laboratoire Anima (Anthropologie et Histoire des mondes antiques) et Histémé (Histoire, Territoire et Mémoire), membre de l’association Mnémosyne et du comité de rédaction de Genre & Histoire, spécialiste d’abord de la famille, puis de l’histoire des femmes, du corps, et par extension des violences de guerre.

Ensuite, Fabrice Virgili est un historien membre du Sirice, spécialiste de la guerre étudiée au prisme du genre, à l’époque contemporaine.

Bibliographie :

  • Branche Raphaëlle, Fabrice VIRGILI (dir.), Viols en temps de guerre, Paris, Payot, 2011.
  • Israel Liora, L’arme du droit, les presses de Sciences po, 2020
  • Ripa Yannick « Armées d’hommes contre femmes désarmées : de la dimension sexuée de la violence dans la guerre civile espagnole », dans De la violence et des femmes, Paris, Albin Michel, coll. Agora, 1997
  • Roberts Mary Louise, What soldiers Do. Sex and american GI in world war II in France, Chicago press university, 2013.

Revues

  • Bonnard Jean-Baptiste, «Violences de masse et violences extrêmes en contexte de guerre dans l’Antiquité : introduction au dossier thématique» in Kentron, Revue pluridisciplinaire du monde antique, 37 | 2022, Violences de masse et violences extrêmes en contexte de guerre dans l’Antiquité,  Caroline Blonce et Typhaine Haziza (dir.)
  • Claverie Elisabeth, « Mettre en cause la légitimité de la violence d’Etat. La justice pénale internationale comme institution, comme dispositif et comme scène », Quaderni, 78, 2012, pp. 67-83.
  • Hulot Sophie, « Les femmes dans les violences de guerre du monde romain (iiie siècle avant J.‑C.- ier siècle après J.‑C. », HiMA, n°11, 2022, pp. 103-118.
  • LAFON Jean-Marc, « Les violences sexuelles en Espagne (1808-1814) : ce que révèlent les témoignages », Bulletin hispanique, t. 108, no 2, 2006, p. 555-575.
  • Lévy Christine « Le Tribunal international des femmes de Tokyo en 2000. Une réponse féministe au révisionnisme ?», in Fabrice Virgili (dir.), Les lois genrées de la guerre, CLIO, Femmes, Genre, Histoire, 39/2014, https://journals.openedition.org/clio/11888
  • Muravyeva Mariana, «Ni pillage ni viol sans ordre préalable». Codifier la guerre dans l’Europe moderne »i n Fabrice Virgili (dir.), Les lois genrées de la guerre, CLIO, Femmes, Genre, Histoire, 39/2014, https://journals.openedition.org/clio/11856
  • Nahoum-Grappe Véronique, « L’anthropologie de la violence extrême : le crime de profanation », Revue internationale des sciences sociales, vol.4, n° 174, 2002, p. 608.
  • Nahoum-grappe Véronique, « La purification ethnique et les viols systématiques. Ex-Yougoslavie 1991-1995 », dans Clio. Histoire‚ femmes et sociétés [En ligne], 5 | 1997, https://journals.openedition.org/clio/416
  • Pimouguet-Pedarros Isabelle, « Des violences de masse et des femmes : enquête au temps des campagnes d’Alexandre en Grèce et en Orient » in Kentron, Revue pluridisciplinaire du monde antique, 37 | 2022, Violences de masse et violences extrêmes en contexte de guerre dans l’Antiquité,  Caroline Blonce et Typhaine Haziza (dir.)
  • Pimouguet-Pedarros Isabelle, « Le viol des femmes en temps de guerre. Le cas de l’armée d’Alexandre en 335 et 324 avant J.‑C. », HiMA, n°11, 2022, p. 61-86.
  • Roucayrol Anne-Marie, « Du viol comme arme de guerre », La Pensée, vol.4, n°404, 2020, pp. 80-92, https://shs.cairn.info/revue-la-pensee-2020-4-page-80?lang=fr
  • Rousselot Philippe, « Le viol de guerre, la guerre du viol », Inflexions 2018/2 (N° 38), p. 23 à 35, Éditions Armée de terre
  • Rapport de l’Unesco , « Le viol comme arme de guerre », Confluences Méditerranée 2008/1 (N°64), pages 99 à 104

Sitographie & ressources :

Textes et crédits :

« Après avoir passé la journée à massacrer leurs concitoyens, les partisans d’Agathocle n’épargnèrent pas non plus aux femmes violences et infamies : bien au contraire ils pensaient qu’outrager leur famille était un bon châtiment à infliger à ceux qui avaient échappé à la mort. Selon toute vraisemblance, en effet, des époux et des pères souffriraient pis que la mort à l’idée de violences faites aux femmes et du déshonneur des jeunes filles. Nous devons supprimer ici les effets tragiques affectés habituels aux historiens, avant tout par pitié pour les victimes et aussi parce qu’aucun lecteur ne souhaite entendre détailler ce qu’il imagine sans peine : si ces hommes avaient osé, en plein jour, dans les rues et sur l’agora, égorger de parfaits innocents, il n’est pas besoin d’indiquer ce qu’ils firent, livrés à eux-mêmes, la nuit, dans les maisons, ni comment ils se comportèrent vis à vis des jeunes filles sans père et des femmes sans défenseur, tombées sous le pouvoir discrétionnaire de leurs pires ennemis »

« Pour le Secrétaire Général des Nations Unies, l’expression “violences sexuelles liées aux conflits” recouvre des actes tels que le viol, l’esclavage sexuel, la prostitution forcée, la grossesse forcée, l’avortement forcé, la stérilisation forcée, le mariage forcé, ainsi que toute autre forme de violence sexuelle d’une gravité comparable, perpétrés contre des femmes, des hommes, des filles ou des garçons, et ayant un lien direct ou indirect avec un conflit »

 


Générique : Warm Sunset par Romarecord1973, disponible sur Pixabay

Un podcast produit par l’Association Mnémosyne avec Cécile Béghin.
Noémie Gmür et Clémentine Letellier à la technique.
Clémentine Letellier à la lecture des textes.

Enregistré au sein du Studio La Poudre de la Cité Audacieuse.

Sport, genre et féminisme

Les JO de Paris approchent et c’est l’occasion de nous interroger, avec une perspective historique et une perpective de genre, sur la place occupée par les femmes dans le monde du sport depuis que les activités sportives telles que nous les connaissons se sont développées. En effet, la place que les femmes occupent dans le sport professionnel ou amateur est plutôt récente, et il a été difficile pour les pratiquantes de l’imposer dans un monde ou le corps des femmes était considéré comme un objet fragile, destiné à plaire avant de se consacrer la maternité.

Aujourd’hui, de grandes inégalités se maintiennent dans les choix de sports pratiqués par les femmes, dans les pratiques de chaque sexe, mais aussi dans le traitement médiatique réservé aux sportifs des deux sexes, sans parler du sexisme qui demeure très présent dans le monde du sport, que ce soit chez les pratiquants, les entraineurs, les dirigeants ou les commentateurs.

Pour nous retracer cette histoire du sport féminin sous l’angle du genre, et le relier à l’histoire du féminisme, nous accueillons Florys Castan-Vicente, chercheuse et maitre de conférence en sociohistoire à l’université de Saclay. En novembre 2020, elle a soutenue sa thèse intitulée « Un corps à soi ? Activités physiques et féminismes durant la « première vague » (France, fin du XIXe siècle-fin des années 1930) », dirigée par Pascal Ory.


Bibliographie :

  • Bancel Nicolas,  Blanchard Pascal,  Boëtsch Gilles,  Bolz Daphné,  Gastaut Yvan, Lemaire Sandrine et  Mourlane Stéphane (dir.), Histoire mondiale de l’Olympisme, Atlande, 2024
  • Breuil Xavier, Histoire du football féminin en Europe, Paris, Nouveau monde éditions, 2011
  • Castan-Vicente Florys, « Suzanne Lenglen et la définition du professionnalisme dans le tennis de l’entre-deux-guerres », Le Mouvement Social 2016/1 (n° 254), pages 87 à 101
  • Castan-Vicente Florys, Bohuon Anaïs, « Emancipation through sport ? Feminism and medical control of the body in interwar France »
    Sport in History, 2020, 40 (2), pp.235-256
  • Castan-Vicente Florys, Bohuon Anaïs, Henaff-Pineau Pia, Chanavat Nicolas, « Les pionnières françaises du sport international des femmes : Alice Milliat et Marie-Thérèse Eyquem, entre tutelle médicale et non-mixité́ militante ? » Staps 2019/3 (n° 125), pages 31 à 47
  • Castan-Vicente Florys, Bohuon Anaïs, Pallesi Lucie, « « Ni de seins, ni de règlement » L’athlète Violette Morris ou le procès de l’identité́ sexuée de l’entre- deux-guerres » , 20 & 21. Revue d’histoire, 2021/4 (N° 152), pages 87 à 105.
  • Castan-Vicente Florys, Marie-Thérèse Eyquem. Du sport à la politique. Parcours d’une féministe, Préface d’Yvette Roudy, Paris, L’Ours, 2009.
  • Castan-Vicente Florys, Un corps à soi. Activités physiques et féminismes durant la «première vague » (France, fin du XIXe siècle – fin des années 1930), thèse de doctorat sous la direction de Pascal Ory, Université de Paris I, 2020.
  • Gallot Fanny, Anka Idrissi Naïma et Pasquier Gaël, J’enseigne l’égalité filles-garçons, Dunod, collection « La boîte à outil du professeur », réed.2023.
  • Hidri Neys Oumaya, Juskowiak Hugo, Bohuon Anaïs, Bréhon Jean, « Ce que la presse écrite jeunesse donne à lire et à voir : le genre du sport », Éducation et Sociétés 2022/1 (n° 47), pages 63 à 80.
  • Louveau Catherine, « Qu’est-ce qu’une vraie femme pour le monde du sport ? », dans Laufer Laurie, Rochefort Florence, Qu’est-ce que le genre ? Payot, 2014. Chap. 6
  • Martin Camille, « Quand la puissance publique délègue l’égalité : ethnographie de la politique de développement du football féminin en France (2011 – 2017) », Thèse de doctorat, EHESS, 2017.
  • Ottogalli-Mazzacavallo Cécile, « Des femmes à la conquête des sommets : Genre et Alpinisme (1874-1919) », dans Clio Femmes, Genre, Histoire, 23(2006), « Le genre du sport « .
  • Rennes Juliette (dir.), Encyclopédie critique du genre, Paris, La Découverte, 2016 (article Sport)
  • Rey Javi, Galic Bertrand, Kris, Bonnet Marie-Jo, Violette Morris, à abattre par tous les moyens, 2 tomes, Futuropolis, 2018-2019.
  • Terret Thierry et alii (dir.), Sport et Genre, Paris, L’Harmattan, 2005, 4 volumes.
    • Volume 1: Terret Thierry (dir.), «La conquête d’une citadelle masculine », 388 pages;
    • volume 2 : Liotard Philippe et Terret Thierry (dir.), «Excellence féminine et masculinité hégémonique », 304 pages;
    • volume 3 : Saint-Martin Jean et Terret Thierry (dir.), «Apprentissage du genre et institutions éducatives », 396 pages;
    • volume 4 : Roger Anne et Terret Thierry (dir.), «Objets, arts et médias», 274 pages.

Sitographie & ressources :

Cinéma & documentaires :

  • Juza Camille, Toutes musclées (4 parties), Arte 2022
  • Panahi Jafar, Hors-Jeu, 2006

Textes et crédits :

  • Texte 1 : « Mlle Suzanne LENGLEN », Le Figaro, mercredi 3 juin 1914

« Seize ans ! Peut-être moins ! Une silhouette ravissante d’harmonie physique ; les traits fins, allongés, de grands sourcils, une expression tranquille, grave, souriante et résolue ; une chevelure noire, serrée à l’antique par un ruban de satin, et se répandant en boucles.

Vêtue de laine blanche, comme drapée, agile, sûre de ses mouvements, où la force s’enveloppe d’une grâce infinie, Mlle Suzanne Lenglen est une merveilleuse évocation moderne de la beauté féminine de l’antiquité.

Elle joue dans la perfection, dans un style qui reste délicieusement, féminin.

Dans ses efforts, aucune de ces violences excessives et maladroites par lesquelles trop de femmes éprises d’athlétisme masculinisent si fâcheusement leurs gestes. »

  • Texte 2 : « L’extraordinaire carrière d’une sportive : Violette Morris », dans Le Miroir des Sports, 3 juin 1925

« Violette Morris était déjà aussi puissante à l’âge de quinze ans qu’elle l’est aujourd’hui. Ses mensurations n’ont guère varié depuis 1910. Elles sont les suivantes : taille, 1m66 ; poids : 74 kg ; tour de cou, 0m40 ; tour d’épaules, 1m20 ; biceps, 0m29 au repos, 0m335 en tension ; poignet 0m16 ; mollet 0m40 ; capacité respiratoire, 4 litres.  […] 

Cette femme, d’une puissance et d’une résistance physique incomparable, d’une énergie que rien n’abat, qu’on voit toujours la cigarette aux lèvres et qui ne se trouve bien qu’en vêtements masculins, qui est professionnelle en sports mécaniques, en cyclisme derrière moto même, et qui reste amateur dans les autres jeux athlétique, cette femme ne songe pas à terminer de sitôt sa carrière. Audacieuse, infatigable, d’une absolue confiance en elle-même, d’une indifférence totale  à ce que peuvent penser d’elle hommes et femmes, elle mène sa vie comme elle l’entend, tout entière dévouée au sport. »

  •  Texte 3 : «Le Procès de la culotte », in SAINT-AUBAN (dir.), Revue des Grand Procès contemporains, tome 36, 1930, p. 203.

Extrait du plaidoyer de Yvonne Netter, membre du conseil de la FSFSF et avocate de l’association, contre Violette Moris dans le cadre de son procès contre la FSFSF qui lui refuse en 1928 le renouvellement de sa licence, nécessaire à sa participation aux JO d’Amesterdam

« La femme française est restée toujours femme malgré son activité ; c’est son triomphe, et c’est aussi sa sauvegarde. La coquetterie si vantée des femmes n’est pas du tout un obstacle à leur développement, pas plus intellectuel que moral […], c’est une condition sine qua non de la réussite des femmes, c’est l’avis de nombreuses féministes ».

  •  Texte 4 : Extrait de la déclaration de Roland-Leinad, journaliste au Paris-Soir, journal proche de la droite républicaine. Article publié le 27 février 1930.

« Il ne peut y avoir de milieu. On est homme ou on est femme. Que je sache, il n’est pas raisonnable de vouloir être les deux en même temps. Puisque Violette Morris fait tout ce qu’elle peut pour n’être point une femme, qu’elle aille demander licence à une fédération masculine, si toutefois il s’en trouve pour accéder à son désir. Mais il n’est véritablement pas possible de tenir pour femme, une personne qui se fait couper les seins, s’habille en homme, fait métier de garagiste, cogne du poing sur la table, se baigne en caleçon, court dans les piscines, et dans les mêmes lieux, va délibérément se changer dans la partie réservée aux garçons. »


Générique : Warm Sunset par Romarecord1973, disponible sur Pixabay

Un podcast produit par l’Association Mnémosyne avec Cécile Béghin.
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Clémentine Letellier à la lecture des textes.

Enregistré au sein du Studio La Poudre de la Cité Audacieuse.


Venez découvrir le tout premier épisode de la saison 2 de notre podcast, Du Genre dans l’Histoire, qui vous présente les grandes problématiques de l’histoire des femmes et du genre à travers des recherches récentes. Nous nous interrogeons ensuite sur les possibles transpositions didactiques de ces travaux dans les cours d’histoire du secondaire.

Aujourd’hui, nous allons parler d’intimité, de couple et de mariage, en observant l’évolution du marché de la rencontre entre les XIXe et XXe siècle. Nous mentionnons également le lien entre les petites annonces de journaux, les agences matrimoniales, et le développement des sites et applications de rencontres actuelles qui peuvent être perçues comme une forme contemporaine de l’intermédiation de rencontre.

Pour évoquer ces questions, nous avons le plaisir de recevoir Claire-Lise Gaillard, qui a soutenu en 2021 sa thèse sur l’histoire du marché de la rencontre en France aux XIXe et XXe siècles (c.f. bibliographie). Avec elle, nous nous sommes interrogées sur l’existence d’un « marché matrimonial », sur le rôle des intermédiaires de rencontre et sur ce que les petites annonces révèlent de l’intimité, des stéréotypes de genre et des stratégies amoureuses et matrimoniales des français·es.

Nous vous présentons également tout l’intérêt que cette thématique, mais surtout les sources utilisées par Claire-Lise Gaillard, présentent pour enseigner les transformations de la société française entre le XIXe et le XXe siècle dans les cours d’histoire-géographie, mais aussi en EMC.

Propositions de documents pour vos cours :

Nous remercions Claire-Lise Gaillard de nous permettre de vous diffuser ces quelques documents provenant de sa thèse, Célibataire épouserait jeune fille avec dot. Histoire du marché de la rencontre en France (XIXe-XXe siècles) [à paraître]

 

Dans cet épisode, nous vous invitons à vous saisir de la source primaire utilisée par Claire-Lise Gaillard : les petites annonces. Leur lecture, au premier abord ludique, permet rapidement aux élèves de collège comme de lycée, de saisir les stéréotypes et le modèle qui sous-tend l’écriture de ces petites annonces. Il devient alors possible d’étudier avec nos classes les interactions sociales propres au XIXe siècle (en 4e – 3e, ou en Première voire en Terminale). Voici un échantillons de petites annonces issues du journal L’Intermédiaire Discret, classé par sexe.

 

Vous pouvez aussi utiliser des caricatures qui, aux côtés de ces annonces, permettent de percevoir la façon dont le marché matrimonial, mais surtout l’intermédiation des rencontres, sont perçues et critiquées.

 

Pour étudier les stéréotypes de genre, en EMC par exemple, nous vous conseillons ces graphiques proposés par notre invitée dans sa thèse à paraître :

 

Enfin, les petites annonces datant de l’entre-deux guerre peuvent permettre de constater, de façon différente de nos sempiternelles pyramides des âges, l’impact démographique et social de la Grande Guerre, en permettant aux élèves de constater la grande quantité de veuves qui se tournent vers le marché patrimonial et qui sont moins regardantes que les célibataires sur le statut matrimonial recherché.

Bibliographie

  • BERGSTRÖM Marie, Les Nouvelles lois de l’amour. Sexualité, couple et rencontres au temps du numérique, Paris, La Découverte, 2019.
  • BESSIÈRE Céline et GOLLAC Sibylle, Le Genre du capital : comment la famille reproduit les inégalités, Paris, la Découverte, 2020
  • BETTE Peggy et GONZALEZ-QUIJANO Lola, « De « la femme seule » aux femmes sans mari », Genre & Histoire, février 2016, no 16.
  • CHARLE Christophe, Histoire sociale de la France au XIXe siècle, Points Histoire 2015
  • DAUMARD Adeline, « Affaire, amour, affection : le mariage dans la société bourgeoise au XIXe siècle », Romantisme, 1990, vol. 20, no 68, p. 33-47.
  • FRYDMAN Hannah et GAILLARD Claire-Lise, « « Les dessous des petites annonces » : quand les intimités se marchandent à la quatrième page des journaux (IIIe République) », Histoire, Économie & Société, 19 août 2020, 39e année, no 3, p. 45-66.
  • FÜG-PIERREVILLE Corinne, Entremetteurs et entremetteuses dans la littérature de l’Antiquité à nos jours : actes du colloque international des 18 et 19 mai 2006 [Université Jean Moulin-Lyon 3], Lyon, CEDIC Centre Jean Prévost, Université Jean Moulin, Lyon 3, 2007.
  • GAILLARD Claire-Lise et LEGRANDJACQUES Sara, « Rencontre(s) : enjeux, pratiques, représentations », Hypothèses, 2019, vol. 22, no 1, p. 229-237.
  • GAILLARD Claire-Lise, « Du média à l’intermédiaire : le courrier du cœur comme espace de rencontre. L’exemple du courrier de Midinette » dans STIÉNON Valérie et ABSALYAMOVA Elina (dir.), Les Voix du lecteur dans la presse française du XIXe siècle, PULIM., Limoges, 2018, p. 322-342.
  • GAILLARD Claire-Lise, « Feuilleter la presse en ligne par Giga Octets », dans MULLER Caroline et CLAVERT Frédérique (dir.) Le Goût de l’archive à l’ère numérique, http://www.gout-numerique.net/table-of-contents/feuilleter-la-presse-ancienne-par-giga-octets, 4 juin 2018.
  • GAILLARD Claire-Lise, « Oscillations et réaffirmations du genre dans les petites annonces de l’Intermédiaire Discret 1921-1939 » , Genre & Histoire,  21 | Printemps 2018 , p.1 à 20.
  • GAILLARD Claire-Lise, Célibataire épouserait jeune fille avec dot. Histoire du marché de la rencontre en France (XIXe-XXe siècles), thèse doctorat Université Paris I, sous la direction de KALIFA Dominique et LEMERCIER Claire, Paris 2021.
  • GOUGELMANN Stéphane et VERJUS Anne, Écrire le mariage en France au XIXe siècle, Saint-Étienne, Presses universitaires de Saint- Étienne, 2017.
  • GROPPI Angela et FINE Agnès, « Femmes, dot et patrimoine », CLIO. Histoire, femmes et sociétés, avril 1998, no 7.
  • KALIFA Dominique, « L’invention des agences matrimoniales », L’Histoire, juin 2011, vol. 365, no 6, p. 76-79.
  • PERROT Michelle, Histoire de la vie privée. Tome 4. De la Révolution à la Grande guerre, Paris, Seuil, [1987], 1999.
  • SALMON Aïcha, La Nuit de noces. Une Histoire sociale et culturelle de l’intimité conjugale (France, années 1800 – années 1920), Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, 2020.
  • SOHN Anne-Marie, 100 ans de séduction: une histoire des histoires d’amour, Paris, Larousse, 2003.
  • TABET Paola, La Grande Arnaque : sexualité des femmes et échange économico-sexuel, traduit par Josée CONTRERAS, Paris Budapest Torino, l’Harmattan, 2004
  • VIDAL-NAQUET Clémentine, Correspondances conjugales 1914-1918 : dans l’intimité de la Grande Guerre, Paris, France, R. Laffont, 2014.
  • « Histoire de l’amour 3/4 », La fabrique de l’histoire, 13 février 2013 https://www.franceculture.fr/emissions/la-fabrique- de-lhistoire/histoire-de-lamour-34

 

Textes et crédits :

  • Texte 1 : extrait de l’ouvrage de Théodore Henri « A travers Marseille, les agences matrimoniales », dans Le Petit Marseillais, 20 avril 1873.
  • Texte 2 : lecture de deux annonces publiées dans L’intermédiaire Discret en janvier 1938.
  • Texte 3 : lecture de deux annonces publiées dans L’intermédiaire Discret en janvier 1934.

Générique : Warm Sunset par Romarecord1973, disponible sur Pixabay

Un podcast produit par l’Association Mnémosyne avec Cécile Béghin.
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Clémentine Letellier à la lecture des textes.