Episode

Violences sexuelles en temps de guerre

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Nous vous avions promis lors de notre épisode sur « le genre de la guerre », un épisode centré sur les violences subies par les femmes en temps de guerre. En effet, il nous avait semblé nécessaire de consacrer du temps à cette thématique, d’abord parce qu’il s’agit d’un champ de recherche en plein développement, né des luttes féministes et de leur attention à la vulnérabilité des corps féminins dans les sociétés patriarcales, qui accompagne le développement des champs de recherche sur le corps, les sexualités, les émotions, et qui permet une véritable relecture genrée des conflits de toutes les époques; mais aussi parce que les historien.nes,les anthropologues, les chercheurs et chercheuses en sciences politiques, réfléchissent pour comprendre de quoi ces violences genrées sont le nom.

Ainsi dans son introduction du recueil d’articles « le corps en lambeaux » paru en 2016, l’anthropologue Véronique Nahoum-Grappe, spécialiste des violences extrêmes en temps de guerre, évoque la dimension politique du thème des violences sexuelles et sexuées contre les femmes, victimes « du double stigmate culturel qui pose leur infériorité dans tous les domaines et qui enferme leur identité dans le champ de la sexualité […] Cela fait d’elles les victimes plausibles de la violence des dominants sur leurs corps ».

Effectivement, si le corps des femmes est l’objet d’une violence sexuée et sexuelle quotidienne, dans l’espace intime comme dans l’espace publique, la guerre apparaît comme un évènement dramatique qui décuple le danger. Quelles formes a pu prendre cette violence de guerre dans les conflits du passé et dans les guerres du XXème siècle ? Quelles traces nos sources en gardent-elles ? Quelles justifications ont pu être données par les militaires, leurs supérieurs ou les commentateurs de ces conflits, aux violences exercées contre le corps des femmes civiles ? Ces violences sont-elles envisagées dans les premières versions d’un droit de la guerre ? En quoi le viol utilisé contre les femmes en temps de guerre peut-il prendre une signification plus politique que  celui du défoulement des soldats ? Enfin les violences de guerre sont toujours une réalité dans de très nombreux conflits contemporains, sans que le droit international ne parvienne à y mettre fin. Quel rôle peut jouer le droit international dans les situations de violence actuelles ? Donner une profondeur historique à ce phénomène, comme nous allons le faire ensemble aujourd’hui, peut-il nous aider à mieux le comprendre et lutter pour l’éradiquer ?

Parler de violences sexuelles en contexte de guerre, c’est à la fois évoquer une violence genrée, infligée par les hommes, subie par les femmes; c’est aussi questionner les dispositifs de cette violence, ses motivations, les stratégies qu’elle implique, ses conséquences sur les populations qui en sont victimes ; c’est enfin envisager les possibilités de la dénoncer, de la juger et d’y mettre fin.

Pour évoquer ce sujet nous accueillons deux historiens. Tout d’abord, Jean-Baptiste Bonnard est un historien antiquiste, enseignant chercheur à ll’Université de Caen Normandie, chercheur dans les laboratoire Anima (Anthropologie et Histoire des mondes antiques) et Histémé (Histoire, Territoire et Mémoire), membre de l’association Mnémosyne et du comité de rédaction de Genre & Histoire, spécialiste d’abord de la famille, puis de l’histoire des femmes, du corps, et par extension des violences de guerre.

Ensuite, Fabrice Virgili est un historien membre du Sirice, spécialiste de la guerre étudiée au prisme du genre, à l’époque contemporaine.

Bibliographie :

  • Branche Raphaëlle, Fabrice VIRGILI (dir.), Viols en temps de guerre, Paris, Payot, 2011.
  • Israel Liora, L’arme du droit, les presses de Sciences po, 2020
  • Ripa Yannick « Armées d’hommes contre femmes désarmées : de la dimension sexuée de la violence dans la guerre civile espagnole », dans De la violence et des femmes, Paris, Albin Michel, coll. Agora, 1997
  • Roberts Mary Louise, What soldiers Do. Sex and american GI in world war II in France, Chicago press university, 2013.

Revues

  • Bonnard Jean-Baptiste, «Violences de masse et violences extrêmes en contexte de guerre dans l’Antiquité : introduction au dossier thématique» in Kentron, Revue pluridisciplinaire du monde antique, 37 | 2022, Violences de masse et violences extrêmes en contexte de guerre dans l’Antiquité,  Caroline Blonce et Typhaine Haziza (dir.)
  • Claverie Elisabeth, « Mettre en cause la légitimité de la violence d’Etat. La justice pénale internationale comme institution, comme dispositif et comme scène », Quaderni, 78, 2012, pp. 67-83.
  • Hulot Sophie, « Les femmes dans les violences de guerre du monde romain (iiie siècle avant J.‑C.- ier siècle après J.‑C. », HiMA, n°11, 2022, pp. 103-118.
  • LAFON Jean-Marc, « Les violences sexuelles en Espagne (1808-1814) : ce que révèlent les témoignages », Bulletin hispanique, t. 108, no 2, 2006, p. 555-575.
  • Lévy Christine « Le Tribunal international des femmes de Tokyo en 2000. Une réponse féministe au révisionnisme ?», in Fabrice Virgili (dir.), Les lois genrées de la guerre, CLIO, Femmes, Genre, Histoire, 39/2014, https://journals.openedition.org/clio/11888
  • Muravyeva Mariana, «Ni pillage ni viol sans ordre préalable». Codifier la guerre dans l’Europe moderne »i n Fabrice Virgili (dir.), Les lois genrées de la guerre, CLIO, Femmes, Genre, Histoire, 39/2014, https://journals.openedition.org/clio/11856
  • Nahoum-Grappe Véronique, « L’anthropologie de la violence extrême : le crime de profanation », Revue internationale des sciences sociales, vol.4, n° 174, 2002, p. 608.
  • Nahoum-grappe Véronique, « La purification ethnique et les viols systématiques. Ex-Yougoslavie 1991-1995 », dans Clio. Histoire‚ femmes et sociétés [En ligne], 5 | 1997, https://journals.openedition.org/clio/416
  • Pimouguet-Pedarros Isabelle, « Des violences de masse et des femmes : enquête au temps des campagnes d’Alexandre en Grèce et en Orient » in Kentron, Revue pluridisciplinaire du monde antique, 37 | 2022, Violences de masse et violences extrêmes en contexte de guerre dans l’Antiquité,  Caroline Blonce et Typhaine Haziza (dir.)
  • Pimouguet-Pedarros Isabelle, « Le viol des femmes en temps de guerre. Le cas de l’armée d’Alexandre en 335 et 324 avant J.‑C. », HiMA, n°11, 2022, p. 61-86.
  • Roucayrol Anne-Marie, « Du viol comme arme de guerre », La Pensée, vol.4, n°404, 2020, pp. 80-92, https://shs.cairn.info/revue-la-pensee-2020-4-page-80?lang=fr
  • Rousselot Philippe, « Le viol de guerre, la guerre du viol », Inflexions 2018/2 (N° 38), p. 23 à 35, Éditions Armée de terre
  • Rapport de l’Unesco , « Le viol comme arme de guerre », Confluences Méditerranée 2008/1 (N°64), pages 99 à 104

Sitographie & ressources :

Textes et crédits :

« Après avoir passé la journée à massacrer leurs concitoyens, les partisans d’Agathocle n’épargnèrent pas non plus aux femmes violences et infamies : bien au contraire ils pensaient qu’outrager leur famille était un bon châtiment à infliger à ceux qui avaient échappé à la mort. Selon toute vraisemblance, en effet, des époux et des pères souffriraient pis que la mort à l’idée de violences faites aux femmes et du déshonneur des jeunes filles. Nous devons supprimer ici les effets tragiques affectés habituels aux historiens, avant tout par pitié pour les victimes et aussi parce qu’aucun lecteur ne souhaite entendre détailler ce qu’il imagine sans peine : si ces hommes avaient osé, en plein jour, dans les rues et sur l’agora, égorger de parfaits innocents, il n’est pas besoin d’indiquer ce qu’ils firent, livrés à eux-mêmes, la nuit, dans les maisons, ni comment ils se comportèrent vis à vis des jeunes filles sans père et des femmes sans défenseur, tombées sous le pouvoir discrétionnaire de leurs pires ennemis »

« Pour le Secrétaire Général des Nations Unies, l’expression “violences sexuelles liées aux conflits” recouvre des actes tels que le viol, l’esclavage sexuel, la prostitution forcée, la grossesse forcée, l’avortement forcé, la stérilisation forcée, le mariage forcé, ainsi que toute autre forme de violence sexuelle d’une gravité comparable, perpétrés contre des femmes, des hommes, des filles ou des garçons, et ayant un lien direct ou indirect avec un conflit »

 


Générique : Warm Sunset par Romarecord1973, disponible sur Pixabay

Un podcast produit par l’Association Mnémosyne avec Cécile Béghin.
Noémie Gmür et Clémentine Letellier à la technique.
Clémentine Letellier à la lecture des textes.

Enregistré au sein du Studio La Poudre de la Cité Audacieuse.